Ilana RAMCHAR Economie multiple /    Extrait Copyright de l'auteur

"Il s'agit, partout où des hommes sont ensemble pour vivre ou pour travailler, de rendre leurs rapports plus humains, plus dignes et par là plus efficaces. Il s'agit que chacun, là où il fournit son effort ne soit pas un instrument passif, mais participe, à son propre destin »



Extrait du livre "Hold-up sur le monde"

Après la mort des rois, comme après celle des actionnaires, la même question se pose.
- Et maintenant ! Qu’est ce qu’on fait ?
- Comme avant.
Et pourtant !
Qui propose d’en revenir aux rois ? Qui proposera d’en revenir aux actionnaires ?

Dans "Hold-up sur le monde" - chapitre 11


Michel Kern s'installe dans l'un des fauteuils proche du radiateur tandis que Robert Borson s'assoie en face de lui.
- Notre entreprise ne date pas d'hier puisque je fus contacté pour la première fois en 1980. J'avais trente six ans. Je n'étais plus très jeune déjà mais je ne me sentais pas encore « fini ». Je savais pas mal de choses de la vie et surtout j'avais toujours en moi cette image de mon père, fatigué à mort d'avoir dû beaucoup trop travailler pour que sa famille vive bien, hanté qu'il était par la faim. Pouvez-vous imaginez ce qu’est la faim ?
- Je crois que oui. Pour l’avoir vue. Seulement vue bien sûr.

Michel Kern enlève son manteau et son cache col et les pose à côté de son siège.
- J’ai en moi ce tableau permanent de la vie qu’a menée mon père avant qu’il ait vingt ans. Et en même temps j'ai cette image d’hommes et surtout de femmes, qui voyagent, « bouffent », jouent dans les casinos et se reposent sur des bateaux. J'ai ce contraste du travail d'un côté et de l'argent de ce travail qui est galvaudé, de l'autre.
Il fait deux pas pour poser ses vêtements sur le dos d’une chaise.
- En m’engageant il y a plus de vingt ans, j'ignorais à peu prés tout de ce que j'acceptais, mais je commençais enfin un combat entamé des dizaines de fois en imagination.

Robert Borson reprend un peu sa respiration.
- Un combat contre un monstre immanent et éternel. Un combat probablement impossible puisque toujours perdu jusqu'à maintenant par les Don Quichotte, Robin des bois et même Monte Cristo dans le domaine pourtant restreint de son cercle domestique. J’acceptais de refuser ce qui était, je faisais le premier pas indispensable à tout changement. Je ne savais pas bien ce qui serait plus tard. Mais je refusais ce qui était aujourd’hui. C’était ma première rupture. Tout démarre toujours par un refus.
Robert Borson prend le temps de croquer un morceau de gâteau et de boire un peu.
- L'Organisation veut tout simplement redistribuer l'argent de tous, à tous, en utilisant les lois de la société actuelle.
Borson opine légèrement de la tête.
- J'ai donc participé sans regret à la mise en place de ce « hold-up » sur le monde. Dans les premières années nous pensions nous cantonner à la France, et puis les similitudes et imbrications économiques sont devenues patentes. Nous avons basculé notre secteur d’action sur l'Europe et puis finalement sur le monde tant les pouvoirs se ressemblent partout.




Extrait de "La fable du grand magasin"

La loi a été décrétée  cette nuit.

" Aucun enfant né naturellement n’aura le droit de vivre.

Il y va de l’adaptation de la race humaine aux conditions de survie qui nous ont été léguées. Nous ne pouvons plus nous fier aux évolutions biologiques proposées par les naissances hasardeuses que provoquent les rencontres amoureuses entre les hommes et les femmes."

- Moi je regrette les enfants qui naissaient de l’amour des parents. C’était du bricolage bien sur, mais il y avait cette part de folie et d’incertitude que l’on ne trouve plus nulle part.
- Tu crois que ce besoin d’incertitude fait partie du bien être de l’être humain ?
- Je crois que oui.
- Tu crois qu’en ignorant si tu pourras te loger ou manger demain, tu trouveras un meilleur goût à ta vie ?
- Je crois que non. Et pourtant …


- Nous retrouvons la loi de nos ancêtres …
- Des quels veux tu parler ?
- De ceux qui ne parlaient pas justement, les animaux.
- Et cette loi ?
- L’impitoyable disparition de ceux qui ne sont pas utiles aux plus forts, au dominant, aux reines et leaders de toutes sortes. La fourmilière reste le modèle prégnant qui structure tous les groupes de vivants.


Aujourd’hui, dans le siècle où s’épanouit cette fable, même les pays autrefois profondément démocratiques, n’ont plus qu’un embryon d’état. Non pas que les services ou les actions sociales de ce dernier soient moins importants, au contraire, mais leur pouvoir sur l’économie s’est tout à fait étiolé et les états ne maîtrisent plus que l’humanitaire de réparation et de survie selon les termes utilisés par quelques associations caritatives anciennes, disparues depuis peu.

On a même vu, lors de la mise à jour de la dernière constitution européenne, l’année dernière, et cela dans l’indifférence totale, que le préambule a perdu ses références aux droits de l’homme. Les élections politiques, très espacées, sont ressenties depuis longtemps comme inutiles, tant les groupes industriels et commerciaux, presque tous mondiaux, sont amplement « hors nation » et hors pouvoir populaire. Les citoyens ont bien intégré que plus aucune règle établie ne peut atteindre réellement ou durablement ces conglomérats internationaux. Pire encore, peu à peu les lois elles-mêmes, en tant que référence juridique, disparaissent de beaucoup de pays. Les dirigeants élus d’autrefois, pour se donner l’illusion à travers une nouvelle loi, d’un reste de pouvoir politique, ont cédé ici ou là un morceau supplémentaire de souveraineté économique. Seules les élections locales pour les dirigeants des villes et des zones de couleurs réunissent encore une forte minorité de votants, un après midi de semaine.

En moins de vingt lustres, la multiplication des progrès techniques de fabrication et de commercialisation, permis par la maîtrise des puces électroniques, rend presque inutile les fabricants, les ouvriers et les commerciaux. Seuls sont encore nécessaires les chercheurs fondamentaux, les ingénieurs de maintenance et les concepteurs de matériels, de systèmes et de réseaux.
Les machines sont bien assez nombreuses pour assurer le confort, la sécurité, la survie ou les distractions des élites possédantes, celles qui ont su concentrer les usines à la fin du millénaire et qui maintenant se contentent de faire fabriquer par leurs ingénieurs, qui sont de plus en plus souvent leurs propres enfants, les quelques exemplaires de matériels, nécessaires à leur civilisation terriblement réduite en nombre et repliée sur elle-même.


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